jeudi 2 septembre 2010

Episode 3

LA VIE

- Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, bonsoir ! La nouvelle équipe de recherche, nommée il y a quelques mois par le Président Sludge, semble se heurter à un nouvel écueil. Les reporters du journal permanents vous apporteront de nouveaux éléments d’information, si vous décidez de rester après un flash de publicité de 10 secondes.

Restez sur le JP universel pour connaître les dessous du projet Arche !

- Comment peuvent-ils connaître ces informations ?
- Ils ne connaissent rien ! Ce journaliste bluffe, Eric, mais il faut renforcer la sécurité autour de ce dossier. Ce type a toujours eu de très bonnes intuitions et il va lâcher son équipe de e-reporters.

Eric Soumenkoff vivait dans une villa située sur l’aplomb du versant ouest du mont Cirya. Sur son balcon plastiformé, il buvait sa boisson favorite en regardant le couchant. Sur ses rétines s’imprimait une violente couleur verte soulignée par un horizon gris anthracite. Sous ses pieds, 270 mètres plus bas, le ressac de la mer au loin usait tendrement la roche du mont Cirya. Ses lèvres humectées par la liqueur piquante se contractaient. Soumenkoff avait fait la connaissance du Pr. Sith dans cette maison qu’il avait dessinée lui-même avec l’aide de la dernière version d’archi’art du réseau Virtua. Elle fut fondue à cet endroit par la meilleure équipe de fondeurs de la société Plastifont. Le point délicat de cette fonte fut la mise en place originale du balcon et de ses traverses de soutien en nanotube de carbone-chrome sur lequel il se tenait avec son ami et collaborateur Barnar Sith.

Vers le milieu de l'année, Soumenkoff, récemment nommé directeur de la recherche sur la biosphère, demandait au Pr. Sith d’intégrer son équipe. L’accord de Barnar, obtenu sur ce balcon scella définitivement leur amitié. Depuis ce jour, les informations collectées par la sonde ADAM 0612 leur permettaient depuis quelques semaines d’évaluer la situation de la planète Oméga. La plupart des chercheurs du CRAM avaient reçu des directives pour ne divulguer aucun résultat de leur travail de recherche à la presse avant d’obtenir l’accord de leur hiérarchie. Le dossier numérique biosphère, classifié ultra haute priorité, s’enrichissait à chaque instant des données que lui transmettait chaque service du CRAM. Sith savait maintenant que la situation de cette planète dans son système serait stable pour 15 milliards d'années. La distance qui la séparait de l'étoile la plus proche était compatible avec la vie. Elle possédait une atmosphère essentiellement constituée d'oxygène. Les analyses démontraient l'existence d'un seul continent entouré d'eau. Cette eau représentait 70 % de sa surface. Les analystes apportèrent la preuve que la planète Oméga était habitée par des espèces animales de moyennes et de grandes tailles. En revanche aucune trace de vie humanoïde n’était mise en évidence. L’hypothèse d’une présence de prédateurs pour l’homme semblait se confirmer.

Cette nouvelle compliquait le projet. Toutes les équipes de recherche étaient en attente d’une solution du département d’étude de la biosphère. Après un an de recherche, Eric Soumenkoff avait convié son ami Sith sur son balcon pour lui faire entendre sa décision. Les yeux perdus sur la flèche de l’horizon, Soumenkoff et Sith parlaient peu et, ensemble, pensaient à la réponse qu’ils avaient élaborée. Cette réponse ne les satisfaisait ni l’un ni l’autre, mais leur devoir était d’imposer leur espèce. Cette mission qu’ils avaient acceptée les contraignait à renvoyer leur respect pour la vie dans les cordes de leur inconscient. Leur responsabilité était désormais engagée par ce choix stratégique que Soumenkoff allait défendre devant les politiques.

Une demande de communication prioritaire, avec une accréditation de communication de niveau 1 en cours de validité, parvint au Président du conseil. Celle-ci fût acceptée.

- Monsieur le Président, nous avons une solution à vous proposer, en ce qui concerne les prédateurs.
- Je vous écoute, mon cher Soumenkoff.
- Nous pourrons conserver la niche découverte l'année dernière, qui reste le lieu le plus propice au développement naturel de notre système de vie. Notre équipe a établi une procédure qui nous permettra de nous libérer de cette contrainte. Pourrions-nous en parler au cours d'un entretien ?
- Avec plaisir, venez me parler de votre étude le 35 de la 8éme semaine. A bientôt de communiquer Pr. Soumenkoff.
Le Pr. Soumenkoff était un homme carré dans un corps rond, un esprit affûté. Il avait pris en charge l'étude du biotope de la planète Oméga. Sa carrière avait pris forme lorsqu'il exerça ses compétences aux côtés des responsables militaires. Son secteur de recherche avait alors pour but d’étudier les effets biologiques des armes en cours de développement. Malgré sa jeunesse, sa rigueur de gestion, sa discrétion et sa grande capacité de travail en avaient fait un universitaire reconnu par les plus hautes autorités et apprécié par l'administration. Il fit une carrière éclair et l'administration lui confia des dossiers considérés comme sensibles où l'analyse devait être sans concession et la discrétion une priorité.

A son habitude, le Président reçu son invité dans la salle d'audience privée. L'ambiance était feutrée. Les murs et le plafond étaient tapissés d'un bleu profond. La demi-obscurité colorait toujours cette pièce. Avec calme, Soumenkoff alla s'asseoir sur le banc à droite du président.

- Mon cher Soumenkoff, je suis heureux de vous recevoir en ce lieu où règne la sagesse. Vous deviez m'entretenir d'Oméga, vous avez la parole.
- Monsieur le président, monsieur le secrétaire, comme vous le savez, notre équipe a travaillé un an pour proposer au conseil une procédure de mise en condition de la planète Oméga avant l'arrivée de l'Arche. Je suis venu aujourd'hui, vous apporter ce document. Le protocole nous accordant le droit de nommer ce projet, nous l'avons appelé Absinthe. Nous avons choisi un mode de conditionnement rapide avec l'utilisation d'une bombe à fusion. La bombe sera acheminée sur le site par une sonde intergalactique de type TRS6. La sonde Absinthe aura la capacité d'éradiquer toutes les vies de moyenne et grande taille de type non aquatique. Cette sonde sera dotée d'un nucleus à fusion d'une puissance d'un Blida. Sa mise en œuvre, nous permettra de traiter le problème des prédateurs en une centaine d'années. Le développement de l'homme pourra alors être envisagé. Je vous fais grâce du détail de la procédure.

- Je vous remercie, mon cher Soumenkoff. Comme à votre habitude le discours est clair et précis ! Nous lirons avec attention votre travail. Une dernière question : existe-t-il un risque de rendre stérile cet écosystème ?
- Monsieur le président, monsieur le secrétaire je vous remercie de me laisser m'exprimer sur ce point essentiel. Le risque dont vous parlez existe, mais ce risque reste faible de l'ordre de 0,5 sur 100. De plus, il diminue très vite avec le temps, celui-ci n'est plus que de 0,0005 sur 100 après une centaine d'années écoulées. De plus, nous avons la preuve géologique que quatre grandes extinctions d’origine naturelle se sont produite au cours de la vie d’Oméga et la vie a systématiquement resurgit sous diverses formes. Nous sommes devant une niche extrêmement favorable en raison de sa situation par rapport à son étoile la plus proche. Naturellement, nous ne prendrons aucun risque. La sonde ADAM 0612 reprendra la recherche aléatoire d’une autre planète avant la mise en condition de la planète Oméga.
- Très bien, Pr. Soumenkoff, je vous remercie. Nous débattrons de cette question au cours du prochain conseil. Vous pourrez féliciter l'ensemble de vos collaborateurs, et notamment le Pr. Sith, pour le travail accompli. Sans trahir le conseil, je peux supposer que vos travaux apporteront une pierre à l'édifice.

Le rapport De Soumenkoff expliquait par le menu les effets qu’une bombe de cette dimension provoquera sur le système Oméga. Le premier effet de ce type de charge provoquera le basculement de l'axe de rotation de cette planète. La libération d’une telle énergie dans les environs d’Oméga soufflera entièrement l’atmosphère du satellite d’Oméga comme nous le ferions d’un souffle sur la flamme fragile d’une bougie. Enfin, l’explosion de la bombe provoquera un hiver nucléaire qui fera disparaître la photosynthèse sur cette planète pendant une centaine d'années. L'équilibre écologique de la chaîne alimentaire sera bouleversé et les espèces les plus évolués ne pourront survivre.

Après avoir confronté le modèle décrit aux logiciels de contrôle de qualité, l'accomplissement du projet absinthe paraissait incontournable. Mais l'utilisation d'une bombe à fusion devait être rejetée par le comité d’éthique. Après plusieurs minutes de débat contradictoire, le président décida d'endosser la responsabilité du projet à condition que celui-ci se développe sous le sceau du secret. La question des prédateurs restera dans l'ombre, le Réseau Universel d’Information ne fera aucune allusion sur ce sujet. Ce domaine était celui des personnels militaires possédant une accréditation de niveau 1. Le conseil restreint limité aux militaires adopta le projet nommé Absinthe et jugea inutile de saisir le comité d'éthique.

Le Général Fly en charge de la réalisation du plan Absinthe. Adaptée à la taille de la planète, une bombe à fusion d'un Zetta convenait parfaitement. Elle était d'une mise en œuvre rapide, la confédération en possédant quelques milliers facilement transportables par une sonde de type TRS6. La prise de risque était faible, car les militaires maîtrisaient parfaitement cette technique de la fusion. Le bureau des lancements demanda aux calculateurs protéiques de générer les différentes variables de cette mission.

Les techniciens de la station TRS6 préparaient le glissement d'une nième sonde TRS. Aucun ne connaissait sa véritable destination ni son rôle. Ces glissements étaient réguliers et destinés soit à détruire un petit astéroïde menaçant la planète, soit à dévier une comète. Cette opération ne comportait aucune difficulté particulière. Après six mois de travail, la sonde Absinthe était en situation nominale. Le bureau des glissements présenta le projet Absinthe comme une intervention sur la barrière d’astéroïde productrice d'objets dangereux. Tous les départs de mission devaient être mentionnés par le réseau virtua. La loi informatique était précise sur ce point. Chaque citoyen de la confédération devait connaître les destinées des taxitels. Aussi, trois fois par jour, la liste des sondes quittant la planète était disponible sur les écrans liquides. Le réseau transmit l’heure du départ du TRS6. Cette information fut noyée dans la mer de données numériques du jour. Le conseil donnait l'autorisation de lancer le compte à rebours. Tous les logiciels de transmission et de guidage furent intégrés dans les mémoires protéiques tridimensionnelles de la sonde. La sonde Absinthe glissa de la station de repliement dimensionnel dans l'anonymat, insérée entre le lancement de deux porteurs ravitailleurs à destination de la station de communication en orbite géostationnaire. La maîtrise de la résonnance matière-anti matière assurait un glissement instantané vers un nœud de l’espace temps distant de plusieurs dizaines, centaines ou milliers d’années lumières. Le reste de l’acheminement étant réalisé avec un mode de propulsion classique par fusion-diffusion.

De leur balcon, Eric et Barnare scrutaient l’atmosphère ambrée de leur planète. Au même instant, la sonde ADAM 0612 quittait Oméga dans le plus grand secret. La planète devait mourir pour renaître avec ses nouveaux maîtres.

A suivre…

dimanche 22 août 2010

Episode 2

- Messieurs les conseillers, après deux siècles et demi d'exploration planétaire en dehors de notre système, la sonde ADAM 0612 semble avoir déniché la planète cible répondant à nos attentes. Nous devons ici féliciter l'équipe du professeur Rhone, qui a poursuivi avec succès les travaux du Pr. Herbert et de ses prédécesseurs. Nous baptiserons cette planète Oméga.

Cette phrase sera reprise et diffusée par le réseau universel d'information numérique Virtua. Les informations enregistrées dans les mémoires protéiques du réseau Virtua étaient diffusées toutes les 4 minutes demain à 19h00 par les 30 milliards de sous canaux-média qui le composaient.

La présidence décida d’organiser une conférence de presse universelle. L’ensemble des journalistes de la planète prirent connaissance de l’heure et du canal de communication présidentiel sur leur boite de communication.

Bill Henceforth installait son optique devant ses yeux. Son double canon plat à photon stimulait directement ses rétines. D’un mouvement oculaire rapide, il émula son canal de communication. Ce sésame de luxe lui permettait de se connecter en trois D sur le lieu d’accueil virtuel du palais des débats présidentiels. L’indépendance farouche de Bill l’avait toujours dissuadé d’accepter le bio-implant aux neurones de poulpe « nude » qui, pour un prix abordable, permettait d’être relié en permanence au réseau Virtua. A cette biotechnologie, il préférait son double canon plat qui lui avait coûté un semestre de salaire et lui laissait l’illusion de conserver une certaine liberté.

La figure présidentielle s’inscrivait en trois dimensions, simultanément sur quelques 25 milliards de cortex.
- Messieurs les chargés de communication, j’ai convoqué cette conférence de presse universelle afin de vous faire connaître à tous, le choix politique que je viens de prendre et le tournant historique que va connaître l’humanité.

La voix était pesante. Le silence ponctuait cette phrase.

D’après notre communauté scientifique, la planète Oméga est un nouveau berceau pour l’humanité. Cette découverte est une nouvelle conquête sur l’univers qui nous entoure. Je déclare la phase de recherche de la planète cible terminée. L’ensemble de l’effort de recherche se concentrera sur l’étude d’Oméga et du programme de migration. Comme me l’imposent les lois sur l’orientation scientifique, je procéderai très prochainement à la nomination d’un nouveau directeur de recherche. Celui-ci devra me proposer une nouvelle équipe dans les trente jours qui suivront sa nomination.

Avant de répondre à quelques questions, nous devons à nouveau féliciter l'équipe du professeur Rhone qui a poursuivi avec succès les travaux du Pr. Herbert et de l’ensemble de ses prédécesseurs.

Un silence excitant clôturait cette annonce présidentielle. Une incrustation ramenait les quelques 12 millions de journalistes à leur travail. Une dizaine avait reçu l’autorisation de poser une seule question.

-Marc Renard, le Temps : Monsieur le Président, est-il exact que l’humanité ne dispose plus d’assez de temps pour rechercher une autre planète habitable ? Notre soleil devrait pourtant vivre encore 10 milliards d’années !
- Votre inquiétude est légitime. En effet les calculs statistiques nous démontrent que nous n’avons qu’une chance infime de trouver une autre planète dans le temps qu’il nous reste à vivre sur la nôtre. Aussi, vous en conviendrez, cette découverte est un joyau qu’il faut savoir apprécier à sa juste valeur.
-Nike Farrow, Les Nouvelles : Monsieur le Président, nos lecteurs apprécieront votre volonté de nous doter d’un nouveau berceau, mais pourriez vous leur donner une idée du prix de cet espoir ?
- Il est de ma responsabilité d’annoncer que les charges d’impôts, de taxes et de taxitels n’augmenteront pas. Chaque membre de la confédération reverse environ 81 % de ses gains annuels et je suis décidé à ne pas aller au-delà de cette limite. Par conséquent la recherche devra réorienter l’ensemble de ses ressources sur le nouveau projet. Nous serons amenés à diminuer les budgets des secteurs non prioritaires. Encore une fois, les comptes bancaires des membres de la confédération ne subiront aucun prélèvement supplémentaire à cause de cette découverte. Je peux assurer les membres de la confédération que demain ils conserveront l’intégralité de leur ressource d’aujourd’hui.
- Jean Bernard, Le Jour Magazine : Monsieur le Président, ce projet impose une stabilité politique de plusieurs siècles pour se réaliser. Pensez-vous que notre système politique permettra d’obtenir un tel résultat ?
- Cher ami, depuis que l’humanité s’est lancée dans l’aventure spatiale il y a maintenant plusieurs millions d'années notre planète a connu bien des vicissitudes. Mais l’histoire de la conquête spatiale nous montre que les nations pré-spatiales ont été conduites à unir leurs efforts pour mener à bien l’exploration de notre banlieue planétaire. Ces nations ont fini par fusionner pour faire naître le concept d’une humanité pour une planète. Dès lors un nouveau système politique connut le jour. Il fut suffisamment rigide dans ses principes et souple dans ses applications pour durer jusqu'à nos jours. L’aventure spatiale a donc été le ciment de notre unité retrouvée. Nous sommes à l’aube d’une aventure exaltante, nous allons pouvoir échapper à un destin scellé par notre étoile. Je ne peux imaginer qu’un seul membre de notre planète se prononce contre la survie de notre espèce. Par ailleurs, nos statisticiens peuvent à ce jour démontrer que notre système politique aura la stabilité nécessaire à la conduite de ce projet, au prix de quelques aménagements de fonctionnement. Je reste persuadé que mes successeurs veilleront à la mise en place de ces aménagements et conduiront le projet ARCHE à son terme.
- Eric Misia, Spiritualité et Pensées : Monsieur le Président, certaines communautés de pensée admettent que notre soleil doit finir sa vie. Elles admettent que nos esprits sont liés à la matière au travers de leur codage ADN. Elles affirment que la disparition de la matière libérera nos esprits de celle-ci. Ce projet ARCHE va conduire à prolonger ce lien matériel. Mes lecteurs seront certainement curieux de connaître votre avis sur ce sujet.
- Je connais personnellement l’ensemble des hommes de conscience de notre planète. Il est certain que le lien matériel sera maintenu. Mais à ce jour, les connaissances spirituelles n’ont pas pu nous démontrer que sans ce lien la conscience de notre espèce pourrait survivre à un tel cataclysme. Vous pouvez considérer qu’une telle preuve nous ferait réviser la pertinence du projet ARCHE. D’autre part, le Concile des hommes de conscience de notre planète, toutes religions confondues, m’a assuré de sa complète adhésion à ce projet. J’espère que ces quelques phrases rassureront vos lecteurs.
-Silly Aret, Le Bénitier : toutes les communautés n’adhèrent pas au Concile ! Monsieur le Président, que faites-vous de l’avis réservé de ces communautés à propos du projet ARCHE.
- Chère Madame, depuis le début de cet extraordinaire défi, mes prédécesseurs et moi-même avons fait un effort considérable de communication. Nous avons apporté autant que possible, les réponses aux questions les plus diverses. Ces informations sont largement acceptées. Les avantages que pourront apporter le projet ARCHE à l’ensemble de la planète sont évidents. Question suivante je vous prie.
- Antoine Misset, Le Papier : Monsieur le Président, pourriez vous nous décrire cette planète Oméga ?
- Les éléments d’information transmis par notre sonde ADAM 0612 sont clairs. Il s’agit d’une planète constituée d’une atmosphère Azote-Oxygène, constituée de 80% d’eau, avec une gravité comparable à la nôtre. Une particularité intéressante d’Oméga est la présence d’un satellite de grande taille situé à proximité. Ce satellite possède lui aussi une atmosphère Azote-Oxygène et une quantité importante d’eau. La densité de l’atmosphère semble faible sur le satellite. Il provoque des effets de marée par l’attraction qu’il exerce sur la masse liquide d’Oméga.
-Janet Sphyw, Le Quotidien La Vie : Monsieur le Président, pouvez vous nous confirmer la présence d’une vie sur Oméga.
- La vie existe sous une forme végétale sur Oméga et curieusement aussi sur son satellite. Aucune autre vie, à ce jour n’a pu être détectée.
- Philippe Lux, Le Quotidien de la Com : Monsieur le Président, combien de temps faut-il pour que les données nous parviennent de la sonde ADAM 0612 ?
- Beaucoup de temps ! ! Compte tenu de sa position actuelle, il nous faut environ un millier de nos années pour percevoir le signal.
- Quelle est la technique utilisée pour concevoir une telle puissance de transmission ?
- Nos scientifiques avaient trouvé une solution élégante à ce problème. A l’époque il n’existait pas une source d’énergie capable de transmettre une onde à de telles distances. En revanche nos scientifiques savaient parfaitement réaliser des optiques de très haute précision. La sonde Adam utilise donc la source de lumière la plus proche, la transforme sous forme de lumière cohérente et nous l’adresse de façon modulée. Nos puissants télescopes spatiaux convergent vers la position de notre sonde à la rencontre de ses messages et le relaient vers le suivant. Nous avons donc de notre futur planète une image vieille de mille ans.
-Maddy Faudebert, La Lettre Administrative, Monsieur le Président, quelles seront les modifications que vous apporterez au fonctionnement du CRAM ?
- Comme je vous l’ai annoncé, je désignerai la nouvelle équipe de recherches et son directeur. Le CRAM a toujours connu ce type de transformation à chaque changement d’orientation du projet ARCHE. Les objets de recherche seront redéfinis, l'effort financier prolongé. L’année qui va suivre sera consacrée à l'évaluation de la planète Oméga à tous les niveaux de connaissance. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de l’attention que vous portez à ce projet. Vos articles seront analysés avec un grand intérêt par nos analyseurs protéiques. A très bientôt de communiquer.

Le lieu d’accueil virtuel du palais des débats présidentiels fût déconnecté du réseau universel d'information numérique Virtua.

- Qu’en penses-tu Bill ?

Après un instant de réflexion Bill Henceforth, chef de publicatique du journal Univers, les yeux plongés dans l’image du logo présidentiel qui persistait sur ses rétines, souffla à son collaborateur :

- Ok, on fait la une. Il nous faut une photo du Président Sludge. Appelle Carine.
- Quel angle pour cet article ?
- On va cueillir le lectorat sur le plan émotionnel. Il faut que la population prenne conscience que sa descendance quittera Alpha pour toujours, avec un titre du type ADIEU ALPHA ou bien IL NE RESTERA RIEN ! Mets Jean Pascal sur ce travail. Je veux un premier jet à 13 heures.
- Très bien, à 13 heures en téléconférence...

lundi 9 août 2010

Episode 1



Depuis plusieurs heures, les équipes du projet scientifique Arche, vérifiaient les données de la sonde d'exploration planétaire 0612 de classe ADAM. Rhone était pensif, le rapport de cohérence tardait à lui être présenté. Enfermé dans son bureau, des heures que la tristesse l’enveloppait et l’isolait. C’est en janvier que les difficultés à se souvenir furent inexplicables. Il savait que sa mémoire était d’une certaine façon instable. Il n’avait jamais pu comprendre pourquoi certaines informations complexes pouvaient être immédiatement intégrées dans sa mémoire alors qu’il lui fallait des jours voire des mois pour se souvenir des prénoms de ses collaborateurs. Mais le début de l’année, lui a fait comprendre que sa mémoire suivait de près la dégénérescence de son cristallin. Elle perdait de sa souplesse. Incapable de formuler le nom de la capitale de la Corée du sud alors qu’il discutait de l’Asie avec un ami, le nom de Séoul avait mis plus de huit heures pour transiter jusqu’à sa conscience, l’avait convaincu d’un net recul. Huit heures pour s’extraire de cette mémoire gélatine et l’épisode s’était multiplié durant les derniers mois. Ce qui le fascinait, c’est que les réponses parvenaient toujours à sa conscience, elles n’étaient pas encore effacées, mais pour combien de temps. Rhone avait toujours géré cette instabilité mais ces dernières semaines, les stratégies de remplacement des mots étaient devenues son quotidien qui le plongeaient dans un abime de solitude et de mélancolie. Son père avait connu la même descente progressive. Après des mois d’attente, il devait se résoudre à consulter. Il prendra rendez-vous avec le service de Médecine Nucléaire. Il avait lu que ce nouvel radionucléide ce fixait sur les plaques qui signaient le diagnostic de maladie d’Alzheimer.

Le Centre de Recherche Aéronautique Mondiale CRAM avait connu de multiples localisations durant sa longue histoire mais le dernier déménagement au centre du continent nord avait été pharaonique. L’installation du « Liquid Quantic Metaheuristic Computer » avait mobilisée des milliers chercheurs pendant 43 ans. Rhone avait accepté la responsabilité du département 51, il y a 20 ans déjà.

Le programme des sondes de classe ADAM avait pour rôle d’analyser sur les plans biochimique, biologique et génétique, l'ensemble des différents systèmes planétaires du superamas galactique 1050701. L’équipe de Rhone semblait satisfaite des données transmises par la sonde, l’annonce pouvait être faite à la communauté scientifique. L’ordre du jour de réunion de synthèse mensuelle du groupe de travail allait être bouleversé. En se raclant la gorge, Rhone se souvint que la dernière annonce de cette envergure avait eu lieu quelques semaines après son admission au concours du CRAM. Elle fut suivie d’une désillusion et l’espoir laissa place à une monotonie de rapports qui mirent à l’épreuve la volonté des plus patients durant des années.

Le responsable du groupe de travail ouvrit la réunion avec une solennité inhabituelle :

- Messieurs, les calculs nous démontrent que cette planète est favorable à nos attentes. Le Professeur Rhone Mac Donald, ici présent et responsable du suivi des données du dossier 105701 envoyées par ADAM0612 répondra à vos questions de détails. John, si vous le vous voulez bien…

A son grand étonnement sa voix était claire et calme.

- Messieurs, cette prise de parole fut inscrite à l’ordre du jour afin de porter à votre connaissance les données de la sonde ADAM 0612 qui est en cours d’exploration du superamas galactique 1050701. Sur ce graphe dynamique devant vous, vous pouvez constater que les données semblent correspondre à 80,45 % au profil du système planétaire recherché du type carbone oxygène. Vous trouverez le détail de ces données dans le fichier C7CO qui vous ont été transmis simultanément.

Le staff scientifique était fébrile. Le chef du département des explorations spatiales, Brice Martin, caressait l'espoir d'avoir trouvé une nouvelle niche écologique. Et ce jour semblait être un jour de chance. Grégor Suite, responsable des études atmosphériques, était persuadé que le hasard n'existait pas. Eric Blanc, responsable du contrôle de qualité des logiciels du CRAM, qui redoutait l’intuition et préférait les faits, semblait convaincu que ce système était celui que l'ensemble de la communauté scientifique cherchait depuis tant d’années. Les logiciels de surveillance de qualité affichaient les décompressions des données adressées par ADAM 0612.

- Combien y a t’il de planète dans ce système susceptible de supporter un environnement carbone oxygène ?
- 2 planètes et 2 satellites.
- A-t-on des informations sur la nature liquide ou solide de ces planètes et de ces satellites ?
- Les données des analyses radars nous confirment la présence d’une croûte solide qui représente 30% de la surface des deux planètes, le reste étant constitué par 70% d’eau. En ce qui concerne les satellites, un premier semble constitué de 100% d’eau, pour le second les analyses se poursuivent.
- Gregor, vous avez la parole.
- Ce n’est pas une question, mais une affirmation. Messieurs, depuis le lancement de ce projet par nos prédécesseurs, c’est la seconde fois que nous approchons un système planétaire qui nous permet d’envisager une colonisation lointaine sans déployer des moyens démesurés.
- Nous avions déjà compris votre enthousiasme Gregor. Docteur Soumenkoff, je vous en prie.
- J’aimerais partager votre enthousiasme, mes chers collègues, mais je dois vous rappeler que l’étude de la biosphère ne nous est pas encore parvenue et nous ne sommes pas en mesure de vous assurer la présence ou non d’un système de photosynthèse et encore moins la présence d’une vie microscopique ou macroscopique sur cette planète. La prudence serait d’informer le conseil de cette formidable découverte, avec quelques réserves sur nos analyses.
- Les modèles de calculs de probabilité, sur l’éventualité de l’existence d’une vie sur cette planète, nous montrent que nous avons 50,0005 % de chance de trouver une vie organisée. Nous devons donc accepter cette idée et approfondir les recherches. Mais ce résultat m’incite à soutenir la candidature de cette planète pour la réalisation du projet ARCHE.
- Merci Ric de ton intervention. A moins que d’autres responsables veulent s’exprimer, je clos cette réunion que je qualifierais d’historique et vous invite à concentrer votre travail sur le dossier C7CO 1050701, chacun dans votre domaine d’expertise. Je vous rappelle que d’après la procédure, un vote électronique des membres de cette commission devra avoir lieu dans les 5 jours qui suivent cette réunion. Je vous précise que ce vote ne peut supporter aucune défection de la part de ses membres. Merci encore."

A l’heure atomique dite, l’accès au vote fut blôqué. Le regard de Rhone glissait sur des résultats sans surprise. Après un quart d’heure de réflexion, il stimula du regard son espace virtuel de communication.

- Monsieur le Président la majorité de la commission s’accorde pour que le CRAM concentre l’ensemble de ses efforts sur le dossier C7CO 1050701 joint à ma communication.
- C’est un tournant historique, Rhone. Les membres du conseil connaissent vos qualités de scientifique, mais le temps nous est compté.
- Il nous faut nous décider monsieur le Président, je pensais que cette responsabilité soit portée par un de mes successeurs, mais à cette heure, ma décision est prise. Nous appellerons ce système Oméga.
- Très bien cher ami, j’appuierai ce dossier au niveau politique. A bientôt de communiquer.

Cette information fût transmise aux membres du conseil. Sur le plan politique, cette solution au projet ARCHE semblait acceptable. Cette information permettait enfin de justifier les prélèvements monétiques qui pesaient lourdement sur toutes les transmissions numériques. Le budget du projet Arche était le plus important de la confédération. Les contribuables commençaient à douter du bon usage du budget des taxitels. Le poids de la presse électronique se faisait sentir sur le monde politique. Les trois chambres des représentants se faisaient de plus en plus pressantes sur cette question.
Le conseil se déclara en faveur d’Omega et les trois chambres des représentants emboîtèrent le pas du conseil, trop heureux de pouvoir justifier le choix politique de leurs ancêtres auprès de leurs électeurs. A présent, seul le président, garant de la volonté du peuple, car élu par le suffrage universel direct, pouvait à son tour émettre un avis défavorable sur l’orientation que prenait le projet ARCHE.

Le professeur Rhone demanda une audience privée auprès du Président Sludge, afin d’obtenir son agrément présidentiel. Compte tenu de l’importance du sujet, le président accepta le principe exceptionnel de l’audience privée qui imposait qu’il soit physiquement présent devant ses hôtes. Rhone, accompagné par Gregor Suite habitué à ce type de protocole, se présenta à l’entrée du palais des débats présidentiels. Ce bâtiment administratif abritait un demi-million de fonctionnaires chargés d’archiver et de contrôler l’ensemble des débats, discours, déclarations circulant sur la totalité des moyens d’information. Leur empreinte mémorielle fut contrôlée. Pour Rhone, qui vivait ce contrôle pour la première fois, cet examen de sa double identité génétique et neuronal lui laissa une légère impression de nausées. Les calculateurs protéiques comparaient à la fois la structure ADN du visiteur et l’architecture de son arborisation neuronale qui ne devait pas varier de quelques millièmes de pour-cent de la dernière empreinte relevée. Le résultat s’affichait simultanément sur les écrans liquides dans les bulles en apesanteur devant les visiteurs et sur le cortex des gardiens. Après avoir ressenti la valeur positive de ce contrôle d’identité les agents de sécurité remettaient à chacun un visa protéique temporaire. Les invités prirent place dans une cellule de déplacement
L’ensemble de ces procédures n’était pas fait pour calmer l’excitation du Pr. Mac Donald. Arrivé devant l’entrée de la salle d’audience privée, le Pr. Suit fît un léger signe de la tête et Rhone s’arrêta devant le porche de bois. Coutume ancienne ou volonté délibérée d’ébranler les certitudes du visiteur, le protocole imposait de soulever un lourd marteau fixé à la porte et de frapper trois fois avant d’être admis dans la pièce. Le Pr. Suit demanda calmement à Rhone de le suivre afin de respecter le protocole.

Comme à son habitude, le Président accueillit ses invités avec des paroles chaleureuses qui adoucissaient la rigueur du protocole. L'ambiance de cette pièce était feutrée. A l’image d’un planétarium des temps anciens, les murs étaient tapissés d'un bleu profond, le plafond dessinait les étoiles, satellites, et planètes de notre ciel. Une lumière laser blanche transperçait la pièce verticalement. Le sol était constitué d’une pierre inusitée depuis plusieurs siècles et que l’on appelait marbre. Deux colonnes de Starium ornaient l'entrée de cette pièce. Une demi obscurité régnait. Avec calme, Suit, suivi de Rhone, alla s'asseoir sur le banc à droite du président. La position des bancs ne permettaient pas le dialogue direct mais incitait les invités à écouter avant de demander la parole.

- Pr. Rhone et Pr. Suit, quel est l’objet de votre présence ?
- Monsieur le Président, le conseil et les trois chambres des représentants m’ont mandaté comme il se doit, afin d’obtenir de votre Haute Bienveillance l’agrément présidentiel indispensable pour la mise en œuvre de la deuxième partie du projet ARCHE.
- Eh bien, je vous écoute mes chers amis.

L’exposé de Rhone fut limpide. Au centre de la pièce trônait un écran liquide dans sa bulle en apesanteur. Le volume de projection fut le meilleur allié de Rhone au cours de sa démonstration qui dura 20 minutes. Avec une commande protéique, l’orateur affichait sur l’écran toutes les acquisitions directement ou indirectement liées au projet. Ces données, qui complétaient son discours, étaient toujours en faveur d'une planète favorable à la vie de l'homme. Rhone se sentait soudain parcouru par un frisson. Il en avait terminé. Il remerciait le Président Sudlge et d’un regard appuyé, redonna la parole au professeur Sith.

"- Monsieur le Président, vous comprenez pourquoi la communauté scientifique a choisi le Pr. Rhone Mac Donald pour vous exposer l’ensemble des progrès réalisés. J’attends votre avis avec impatience et je vous remercie au nom de toute la communauté de la confiance dont vous faite preuve depuis plusieurs années à nos égards.

Merci à vous deux. Je vous ferais connaître ma volonté dans les trois jours à compter de celui-ci " ...



A suivre ...

Ouvert à toutes et à tous

Bonjour,

J'invite toutes celles et tous ceux qui souhaitent confier leur intuition sur le texte qui vous est proposé de devenir membre et de m'adresser leurs idées.

Cordialement,

Le modérateur