jeudi 2 septembre 2010

Episode 3

LA VIE

- Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, bonsoir ! La nouvelle équipe de recherche, nommée il y a quelques mois par le Président Sludge, semble se heurter à un nouvel écueil. Les reporters du journal permanents vous apporteront de nouveaux éléments d’information, si vous décidez de rester après un flash de publicité de 10 secondes.

Restez sur le JP universel pour connaître les dessous du projet Arche !

- Comment peuvent-ils connaître ces informations ?
- Ils ne connaissent rien ! Ce journaliste bluffe, Eric, mais il faut renforcer la sécurité autour de ce dossier. Ce type a toujours eu de très bonnes intuitions et il va lâcher son équipe de e-reporters.

Eric Soumenkoff vivait dans une villa située sur l’aplomb du versant ouest du mont Cirya. Sur son balcon plastiformé, il buvait sa boisson favorite en regardant le couchant. Sur ses rétines s’imprimait une violente couleur verte soulignée par un horizon gris anthracite. Sous ses pieds, 270 mètres plus bas, le ressac de la mer au loin usait tendrement la roche du mont Cirya. Ses lèvres humectées par la liqueur piquante se contractaient. Soumenkoff avait fait la connaissance du Pr. Sith dans cette maison qu’il avait dessinée lui-même avec l’aide de la dernière version d’archi’art du réseau Virtua. Elle fut fondue à cet endroit par la meilleure équipe de fondeurs de la société Plastifont. Le point délicat de cette fonte fut la mise en place originale du balcon et de ses traverses de soutien en nanotube de carbone-chrome sur lequel il se tenait avec son ami et collaborateur Barnar Sith.

Vers le milieu de l'année, Soumenkoff, récemment nommé directeur de la recherche sur la biosphère, demandait au Pr. Sith d’intégrer son équipe. L’accord de Barnar, obtenu sur ce balcon scella définitivement leur amitié. Depuis ce jour, les informations collectées par la sonde ADAM 0612 leur permettaient depuis quelques semaines d’évaluer la situation de la planète Oméga. La plupart des chercheurs du CRAM avaient reçu des directives pour ne divulguer aucun résultat de leur travail de recherche à la presse avant d’obtenir l’accord de leur hiérarchie. Le dossier numérique biosphère, classifié ultra haute priorité, s’enrichissait à chaque instant des données que lui transmettait chaque service du CRAM. Sith savait maintenant que la situation de cette planète dans son système serait stable pour 15 milliards d'années. La distance qui la séparait de l'étoile la plus proche était compatible avec la vie. Elle possédait une atmosphère essentiellement constituée d'oxygène. Les analyses démontraient l'existence d'un seul continent entouré d'eau. Cette eau représentait 70 % de sa surface. Les analystes apportèrent la preuve que la planète Oméga était habitée par des espèces animales de moyennes et de grandes tailles. En revanche aucune trace de vie humanoïde n’était mise en évidence. L’hypothèse d’une présence de prédateurs pour l’homme semblait se confirmer.

Cette nouvelle compliquait le projet. Toutes les équipes de recherche étaient en attente d’une solution du département d’étude de la biosphère. Après un an de recherche, Eric Soumenkoff avait convié son ami Sith sur son balcon pour lui faire entendre sa décision. Les yeux perdus sur la flèche de l’horizon, Soumenkoff et Sith parlaient peu et, ensemble, pensaient à la réponse qu’ils avaient élaborée. Cette réponse ne les satisfaisait ni l’un ni l’autre, mais leur devoir était d’imposer leur espèce. Cette mission qu’ils avaient acceptée les contraignait à renvoyer leur respect pour la vie dans les cordes de leur inconscient. Leur responsabilité était désormais engagée par ce choix stratégique que Soumenkoff allait défendre devant les politiques.

Une demande de communication prioritaire, avec une accréditation de communication de niveau 1 en cours de validité, parvint au Président du conseil. Celle-ci fût acceptée.

- Monsieur le Président, nous avons une solution à vous proposer, en ce qui concerne les prédateurs.
- Je vous écoute, mon cher Soumenkoff.
- Nous pourrons conserver la niche découverte l'année dernière, qui reste le lieu le plus propice au développement naturel de notre système de vie. Notre équipe a établi une procédure qui nous permettra de nous libérer de cette contrainte. Pourrions-nous en parler au cours d'un entretien ?
- Avec plaisir, venez me parler de votre étude le 35 de la 8éme semaine. A bientôt de communiquer Pr. Soumenkoff.
Le Pr. Soumenkoff était un homme carré dans un corps rond, un esprit affûté. Il avait pris en charge l'étude du biotope de la planète Oméga. Sa carrière avait pris forme lorsqu'il exerça ses compétences aux côtés des responsables militaires. Son secteur de recherche avait alors pour but d’étudier les effets biologiques des armes en cours de développement. Malgré sa jeunesse, sa rigueur de gestion, sa discrétion et sa grande capacité de travail en avaient fait un universitaire reconnu par les plus hautes autorités et apprécié par l'administration. Il fit une carrière éclair et l'administration lui confia des dossiers considérés comme sensibles où l'analyse devait être sans concession et la discrétion une priorité.

A son habitude, le Président reçu son invité dans la salle d'audience privée. L'ambiance était feutrée. Les murs et le plafond étaient tapissés d'un bleu profond. La demi-obscurité colorait toujours cette pièce. Avec calme, Soumenkoff alla s'asseoir sur le banc à droite du président.

- Mon cher Soumenkoff, je suis heureux de vous recevoir en ce lieu où règne la sagesse. Vous deviez m'entretenir d'Oméga, vous avez la parole.
- Monsieur le président, monsieur le secrétaire, comme vous le savez, notre équipe a travaillé un an pour proposer au conseil une procédure de mise en condition de la planète Oméga avant l'arrivée de l'Arche. Je suis venu aujourd'hui, vous apporter ce document. Le protocole nous accordant le droit de nommer ce projet, nous l'avons appelé Absinthe. Nous avons choisi un mode de conditionnement rapide avec l'utilisation d'une bombe à fusion. La bombe sera acheminée sur le site par une sonde intergalactique de type TRS6. La sonde Absinthe aura la capacité d'éradiquer toutes les vies de moyenne et grande taille de type non aquatique. Cette sonde sera dotée d'un nucleus à fusion d'une puissance d'un Blida. Sa mise en œuvre, nous permettra de traiter le problème des prédateurs en une centaine d'années. Le développement de l'homme pourra alors être envisagé. Je vous fais grâce du détail de la procédure.

- Je vous remercie, mon cher Soumenkoff. Comme à votre habitude le discours est clair et précis ! Nous lirons avec attention votre travail. Une dernière question : existe-t-il un risque de rendre stérile cet écosystème ?
- Monsieur le président, monsieur le secrétaire je vous remercie de me laisser m'exprimer sur ce point essentiel. Le risque dont vous parlez existe, mais ce risque reste faible de l'ordre de 0,5 sur 100. De plus, il diminue très vite avec le temps, celui-ci n'est plus que de 0,0005 sur 100 après une centaine d'années écoulées. De plus, nous avons la preuve géologique que quatre grandes extinctions d’origine naturelle se sont produite au cours de la vie d’Oméga et la vie a systématiquement resurgit sous diverses formes. Nous sommes devant une niche extrêmement favorable en raison de sa situation par rapport à son étoile la plus proche. Naturellement, nous ne prendrons aucun risque. La sonde ADAM 0612 reprendra la recherche aléatoire d’une autre planète avant la mise en condition de la planète Oméga.
- Très bien, Pr. Soumenkoff, je vous remercie. Nous débattrons de cette question au cours du prochain conseil. Vous pourrez féliciter l'ensemble de vos collaborateurs, et notamment le Pr. Sith, pour le travail accompli. Sans trahir le conseil, je peux supposer que vos travaux apporteront une pierre à l'édifice.

Le rapport De Soumenkoff expliquait par le menu les effets qu’une bombe de cette dimension provoquera sur le système Oméga. Le premier effet de ce type de charge provoquera le basculement de l'axe de rotation de cette planète. La libération d’une telle énergie dans les environs d’Oméga soufflera entièrement l’atmosphère du satellite d’Oméga comme nous le ferions d’un souffle sur la flamme fragile d’une bougie. Enfin, l’explosion de la bombe provoquera un hiver nucléaire qui fera disparaître la photosynthèse sur cette planète pendant une centaine d'années. L'équilibre écologique de la chaîne alimentaire sera bouleversé et les espèces les plus évolués ne pourront survivre.

Après avoir confronté le modèle décrit aux logiciels de contrôle de qualité, l'accomplissement du projet absinthe paraissait incontournable. Mais l'utilisation d'une bombe à fusion devait être rejetée par le comité d’éthique. Après plusieurs minutes de débat contradictoire, le président décida d'endosser la responsabilité du projet à condition que celui-ci se développe sous le sceau du secret. La question des prédateurs restera dans l'ombre, le Réseau Universel d’Information ne fera aucune allusion sur ce sujet. Ce domaine était celui des personnels militaires possédant une accréditation de niveau 1. Le conseil restreint limité aux militaires adopta le projet nommé Absinthe et jugea inutile de saisir le comité d'éthique.

Le Général Fly en charge de la réalisation du plan Absinthe. Adaptée à la taille de la planète, une bombe à fusion d'un Zetta convenait parfaitement. Elle était d'une mise en œuvre rapide, la confédération en possédant quelques milliers facilement transportables par une sonde de type TRS6. La prise de risque était faible, car les militaires maîtrisaient parfaitement cette technique de la fusion. Le bureau des lancements demanda aux calculateurs protéiques de générer les différentes variables de cette mission.

Les techniciens de la station TRS6 préparaient le glissement d'une nième sonde TRS. Aucun ne connaissait sa véritable destination ni son rôle. Ces glissements étaient réguliers et destinés soit à détruire un petit astéroïde menaçant la planète, soit à dévier une comète. Cette opération ne comportait aucune difficulté particulière. Après six mois de travail, la sonde Absinthe était en situation nominale. Le bureau des glissements présenta le projet Absinthe comme une intervention sur la barrière d’astéroïde productrice d'objets dangereux. Tous les départs de mission devaient être mentionnés par le réseau virtua. La loi informatique était précise sur ce point. Chaque citoyen de la confédération devait connaître les destinées des taxitels. Aussi, trois fois par jour, la liste des sondes quittant la planète était disponible sur les écrans liquides. Le réseau transmit l’heure du départ du TRS6. Cette information fut noyée dans la mer de données numériques du jour. Le conseil donnait l'autorisation de lancer le compte à rebours. Tous les logiciels de transmission et de guidage furent intégrés dans les mémoires protéiques tridimensionnelles de la sonde. La sonde Absinthe glissa de la station de repliement dimensionnel dans l'anonymat, insérée entre le lancement de deux porteurs ravitailleurs à destination de la station de communication en orbite géostationnaire. La maîtrise de la résonnance matière-anti matière assurait un glissement instantané vers un nœud de l’espace temps distant de plusieurs dizaines, centaines ou milliers d’années lumières. Le reste de l’acheminement étant réalisé avec un mode de propulsion classique par fusion-diffusion.

De leur balcon, Eric et Barnare scrutaient l’atmosphère ambrée de leur planète. Au même instant, la sonde ADAM 0612 quittait Oméga dans le plus grand secret. La planète devait mourir pour renaître avec ses nouveaux maîtres.

A suivre…

Ouvert à toutes et à tous

Bonjour,

J'invite toutes celles et tous ceux qui souhaitent confier leur intuition sur le texte qui vous est proposé de devenir membre et de m'adresser leurs idées.

Cordialement,

Le modérateur